Résumé :
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Par son ouvrage "Le Déni des cultures" (Paris : Seuil, 2010), publié en septembre dernier, le sociologue Hugues Lagrange a fait polémique. Constatant, au travers d'études locales, que les jeunes originaires d'Afrique sahélienne sont surreprésentés dans la délinquance en France, l'auteur explique ce phénomène par des facteurs principalement culturels : déficit d'autonomie des femmes, autoritarisme des pères ou polygamie, eux-mêmes aggravés par la façon dont la France accueille ses immigrés… Michèle Tribalat, démographe spécialiste des questions ethniques et migratoires, a lu cet ouvrage pour Futuribles et en livre ici son analyse. Si le constat sur l'importance des facteurs culturels lui semble bien étayé par l'analyse locale, elle réfute celui d'une régression de la libéralisation des moeurs en Europe et d'une fermeture des frontières. Les flux migratoires et la proportion de personnes d'origine étrangère se sont accrus dans nombre de pays européens au cours des années 1990-2000. Et c'est, selon Michèle Tribalat, cette évolution réelle et les conflits sur les modes de vie et les valeurs qui l'accompagnent, qui expliquent les réactions de crispation, y compris dans des pays réputés tolérants comme les pays nordiques. Mais ces réactions visent bien souvent à rappeler l'importance des principes qui fondent les démocraties libérales. Michèle Tribalat s'étonne des recommandations d'Hugues Lagrange visant à approfondir le multiculturalisme, compte tenu du constat qu'il a dressé lui-même des effets ravageurs de certains particularismes.
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