Résumé :
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"Tous les enfants du monde se mettent à parler sans qu'il soit besoin de leur enseigner à le faire. Il en va du langage comme de la société : nous les pratiquons tous les jours sans avoir besoin d'y penser. La linguistique comme la sociologie sont des sciences récentes.
Pourtant, les philosophes n'ont pas attendu leur naissance pour soulever des questions qui, sous des dehors différents, ont traversé les siècles et restent encore ouvertes aujourd'hui. Elles sont au moins au nombre de trois : le langage est-il à l'image de nos pensées ? Quel rapport a-t-il avec la réalité du monde ? Quels sont ses usages légitimes ?
De telles questions surgissent de la simple tentative de décrire une langue : de quelle réalité le verbe "être" ou le mot "cheval" sont-ils les images ? Au Moyen-Âge, cette question donne lieu à une belle querelle, celle des universaux. Elle ne sera suspendue que par la conviction montante de l'origine humaine du langage, et non divine. Le 19e siècle européen place l'étude des langues au centre de ses soucis, au motif qu'elles sont les âmes des peuples qui les parlent. Lorsqu'à quelques dizaines d'années d'intervalle, Charles S. Peirce et Ferdinand de Saussure déplient leurs théories du signe et du sens, l'affaire semble réglée : le langage est une convention humaine, dont les langues sont les réalisations systématiques. Pour autant, les questions soulevées plus de deux mille ans plus tôt ressurgiront, sous d'autres apparences. Le 20e siècle, en effet, voit se déployer un débat entre les partisans d'une vue "mentaliste" du langage et ceux pour qui il est avant tout un des moyens de communiquer et d'agir sur le monde. Et c'est désormais avec l'aide des sciences naturelles et des sciences cognitives que linguistes et philosophes peuvent compter pour éclairer cette question." (Journet, 2017, p. 3)
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